Congo/Education : Vers une impasse : Réforme ou Révision des programmes scolaires.

Réformer ou réviser le programme afin qu’il reflète ce qu’une nation souhaite transmettre à la nouvelle génération et le monde dans lequel grandissent les enfants est important. Plaider en faveur d’une actualisation des programmes mérite bien que l'on s'y attèle. Il est toutefois essentiel que les personnes qui travaillent à la réforme ou à la révision des programmes avec les gouvernements veillent à ce qu'elle soit menée de manière adaptée par rapport au système éducatif en place, et qu’elle n’alourdisse pas les complexités et les défaillances de systèmes éducatifs déjà poussés à leur limite. Comment les programmes qui n'ont jamais fait l'objet d'une expérimentation dans une école pilote peuvent être généralisés? Est ce que l'efficacité est garantie? Sans risque de se tromper, l'on peut affirmer que la révision ou la réforme des programmes scolaires enclenchés par le projet PRAASED est un véritable pipo, un véritable écran de fumée, avec une année scolaire à double vitesse.   

L'initiative enclenchée par le MEPPSA via son projet PRAASED, consistant à s’éloigner du programme traditionnel pour se diriger vers un programme fondé sur les « compétences » ou les « résultats » est un véritable échec, pour améliorer les résultats d’apprentissage. Les tentatives de réviser ou de réformer le programme au travers du PRAASED ne vont jamais permettre de changer ce qui se passe dans une salle de classe : l’enseignement restera principalement didactique et l’acquisition par les élèves de compétences fondamentales, comme la lecture et le calcul, sur lesquelles repose l’avenir, restera terriblement très faible.

Dans tous les pays du monde, un programme scolaire avant d'être généralisé doit être expérimenté dans les écoles pilotes. Les expérimentations sont des dispositifs « d'une durée limitée à cinq ans » qui dérogent à la réglementation en vigueur, après autorisation des autorités compétentes, encadrées par les dispositions du code de l'éducation.  Le Praassed n'a pris qu'un mois pour expérimenter ces nouveaux programmes éducatifs, une semaine pour la formation des formateurs, et à quel moment ces formateurs iront-ils former les autres? Si les programmes scolaires actuels élaborés par le PRAASED ont été expérimentés dans les écoles pilotes, quels ont été les résultats?

L'année scolaire 2022-2023 sera une année scolaire à double Vitesse parce que d'un côté on aura des programmes éducatifs sur l'approche par objectif et de l'autre des programmes éducatifs sur l'approche par compétence. Une réforme ou une révision des programmes scolaires qui ne dit pas son nom. 

Comment dans une classe pédagogique trois enseignants vont utiliser la nouvelle approche celle dite par compétences et les autres enseignants l'ancienne approche celle dite par objectif. Les nouveaux programmes éducatifs ne concernent que quelques matières notamment les mathématiques, le français et la svt, les autres matières comme l'anglais, les sciences physiques, la géographie, l'histoire n'auront que les anciens programmes éducatifs. Ensuite pour l'instant il n'y aura pas de révision des programmes éducatifs au lycée. Comment les enseignants vont-ils procéder ? Et l'évaluation comment est ce qu'elle se fera? Un nouveau programme n’a aucun avenir si les enseignants en fonction et les futurs enseignants ne sont pas guidés, formés et soutenus pour l’enseigner. En général, les enseignants ne disposeront pas des compétences ni des ressources nécessaires pour procéder ainsi, et même les enseignants compétents ne pourraient pas le faire dans des classes très peuplées.
 

La RDC qui s'est engagé dans le même processus de réforme des programmes scolaires a fait 5 ans pour expérimenter les programmes. Les nouveaux programmes de l’éducation de base ont été prévalidés sur terrain par des équipes d’enseignants mixtes et ont reçu un haut degré d’acceptation. Ils sont passés à la phase de mise à l’essai en septembre 2017 dans environ 540 écoles pilotes réparties dans les 14 provinces éducationnelles ciblées. Cette année ils ont fait l'évaluation des écoles pilotes. 

Ce qui est aberrant; le PRAASED a élaboré les programmes scolaires et les cahiers d'activités qui sont annexés aux programmes, ce qui ne se fait nulle part au monde, dans aucun pays du monde on a vu des choses pareilles. Or, les cahiers d'activités sont annexés aux manuels et non aux programmes, parce que l'apprenant ne va pas aller lire le programme mais plutôt le manuel, il va voir les activités qui sont programmées et se met à les traiter. Les cahiers d'activités sont des consommables et l'élève écrit sur le cahier d'activité. Et la question qu'il faut se poser, quand le projet PRAASED va fermer les portes qui va continuer à produire ces cahiers d'activités? Est ce que l'Etat congolais aura suffisamment des moyens financiers pour le faire?   

Le personnel recruté n’a généralement pas d’expertise ou d’expérience particulières dans l’élaboration de programmes scolaires, et a dès lors un accès limité à l’évolution professionnelle puisque pour réussir une réforme des programmes il faut opérer des changements dans l’ensemble du système éducatif en même temps, pourquoi cette réforme n’est-elle pas menée par les personnes ayant la vision et l’autorité les plus globales? 

Au jour d'aujourd'hui on se demande : 

Quelle est l’évaluation actuelle des enseignants ; leur motivation, leurs connaissances et leur pédagogie?

Dans quelle mesure les enseignants pourront-ils adopter et réaliser le nouveau programme?

Quels appuis supplémentaires sont nécessaires ? Peut-on les mettre à dispositions ?

Comment sera évalué le nouveau programme ? Les organes d’examen sont-ils impliqués à l’origine du processus et la réforme de l’évaluation correspond-elle au nouveau programme?

Les enseignants ont-ils les compétences et ressources nécessaires pour comprendre les processus
d’apprentissage de leurs élèves ?

Il convient de consacrer beaucoup plus de temps et de ressources en phase initiale pour examiner la capacité du système à s’adapter aux changements nécessaires. Il s’agit d’un processus itératif jusqu’à ce que le nouveau programme voie le jour ; testez en permanence la faisabilité du programme, analysez ses forces et ses faiblesses. Adaptez le déploiement aux ressources disponibles